- - -
sexual-reproductive-health-Africa

Blog

Des enfants, pas des épouses ! : Vers l'éradication des pratiques néfastes en Afrique

Par Anita Nyanjong

Par Anita Nyanjong

16 juin 2022. La région Afrique de l'IPPF se joint au reste du monde pour marquer la Journée internationale de l'enfant africain. La journée de l'enfant africain a été créée en souvenir du soulèvement des étudiants noirs africains de Soweto en 1976, qui protestaient contre leur marginalisation dans le système éducatif de l'apartheid en Afrique du Sud ; soulèvement qui a entraîné la mort de nombreux jeunes étudiants. Aujourd'hui encore, l'Afrique du Sud commémore cette journée comme Journée nationale de la jeunesse, en souvenir des jeunes qui ont défié le régime de l'apartheid et son système de ségrégation et de discrimination à l'encontre de la majorité non blanche de la République d'Afrique du Sud.

Bien que les actions progressistes des jeunes dans l'Afrique du Sud de l'apartheid soient à l’origine de la célébration de la journée de l'enfant africain, les réalités des enfants d’aujourd'hui en Afrique sont encore loin des aspirations envisagées dans la Charte africaine des droits et du bien-être des enfants. L'enfant africain souffre de pratiques traditionnelles néfastes, un terme collectif désignant les abus considérés comme des normes acceptables au sein des communautés africaines. Aujourd'hui, ces pratiques, qui se produisent dans différents contextes en Afrique, comprennent le repassage des seins, les tests de virginité, les mariages précoces et forcés, les mutilations génitales féminines (MGF) et d'autres pratiques fondées sur la discrimination des enfants en raison de leur sexe ou de leur genre, ou d'autres formes de discrimination multisectorielles.

Cette année, la journée de l'enfant africain est commémorée sous le thème de l'élimination des pratiques néfastes affectant les enfants : Progrès dans les Politiques et Pratiques depuis 2013. L'une de ces pratiques, le mariage précoce et forcé des enfants, qui constitue une violation des droits humains, reste répandue dans certaines zones de la région africaine. L'UNICEF estime qu'environ 650 millions de filles et de femmes vivantes aujourd'hui ont été mariées précocement. L'Afrique subsaharienne affiche l'un des taux les plus élevés au monde de mariages précoces et forcés d'enfants, où 37 % des jeunes femmes se sont mariées avant l'âge de 18 ans. Le taux de mariages précoces et forcés d'enfants varie selon les pays d'Afrique, le Niger étant l'un des pays présentant les taux les plus élevés d'Afrique et du monde. L'UNICEF estime qu'il faudra environ 100 ans pour éradiquer cette pratique, en particulier en Afrique occidentale et centrale.

Malgré des progrès significatifs dans les cadres juridiques et politiques au niveau régional africain au cours de la dernière décennie pour mettre fin aux mariages précoces d'enfants et aux mariages forcés, ces mesures ne se sont pas traduites par des progrès pratiques et significatifs. Les efforts concertés en ce sens ont été affectés ces deux dernières années par les mesures d'enfermement et de confinement liées à la COVID-19, ce qui a réduit le soutien disponible aux enfants survivants de cette pratique néfaste. Les mesures de confinement du COVID-19 ont également affecté les programmes en cours visant à éliminer les mariages précoces et forcés.

En outre, les mariages précoces et forcés violent les droits des filles en matière de santé sexuelle et reproductive et, dans la plupart des cas, entraînent des problèmes de santé physique et mentale et privent les filles de leur capacité à faire des choix cruciaux pour leur avenir. Les adolescentes mariées sont confrontées à des risques plus élevés de décès résultant de complications liées à la grossesse. Les jeunes adolescentes ont également du mal à accéder aux services de santé sexuelle et reproductive en raison de la stigmatisation associée à la contraception, à l'avortement et aux services de prévention et de dépistage du VIH. Les adolescents et les jeunes femmes mariées sont également privées de leurs droits en matière de santé sexuelle et reproductive lorsqu'elles ne peuvent pas choisir la contraception appropriée en raison de la perception selon laquelle certains moyens de contraception ne conviennent qu'aux jeunes femmes.

L'impact socio-économique du mariage des enfants est souvent catastrophique. Les filles qui sont mariées tôt abandonnent souvent l'école et assument des responsabilités domestiques. Cela limite leur accès à des informations et à une éducation précieuses sur leur santé et leurs droits sexuels et reproductifs. Les filles qui n'ont pas accès à une éducation et à des connaissances appropriées sont moins susceptibles de contester les normes sexistes néfastes et sont souvent exposées à la violence psychologique et émotionnelle, sexuelle et physique dans leur foyer et au sein de leur communauté.

Bien que la plupart des pays d'Afrique aient ratifié et transposé dans leur législation nationale la Convention relative aux droits de l'enfant ainsi que la Charte africaine des droits et du bien-être de l'enfant, ils n'ont pas encore pris de mesures proactives pour s'engager de manière significative dans l'éradication des mariages précoces et forcés. En effet, une approche multisectorielle globale, associée à un engagement communautaire, est nécessaire pour lutter contre ce fléau.

On constate des progrès dans de nombreux pays africains où les partenariats et les approches multisectorielles ont permis de réduire considérablement le nombre de filles mariées précocement. Par exemple, l'organisation partenaire de l'IPPF, la Planned Parenthood Association of Ghana (PPAG), travaille à Tamale, au Ghana, avec des partenaires multisectoriels, notamment les chefs traditionnels de la communauté, le Mouvement Action Jeunes (MAJ), le gouvernement local et les cliniques de santé, pour éradiquer ce fléau. Les interventions du PPAG consistent à renforcer les capacités des chefs communautaires et des prestataires de services en matière de violence sexiste, de droits des adolescent(e)s marié(e)s et non marié(e)s, et à s'assurer que les filles connaissent leur santé sexuelle et reproductive.  Grâce à cette intervention conjointe, il n'y a eu aucun cas de mariage précoce et forcé d'enfants à Tamale au cours de l'année dernière.

In fine, la responsabilité de mettre fin à cette pratique néfaste incombe aux États africains qui doivent adopter des approches globales et multisectorielles afin de permettre aux filles de profiter de leur jeunesse et de contribuer aux aspirations de l'Afrique que nous souhaitons.

La photo ci-dessous montre un drapeau devant le bureau du chef traditionnel à Tamale, au Ghana, mis en berne afin de représenter un cas présumé de mariage d'enfant dans la communauté. Avec l'aimable autorisation de la Planned Parenthood Association of Ghana.

sexual-reproductive-health-rights-Africa

Lisez cet article en anglais ici.

Anita Nyanjong is the IPPF Global Lead (Youth).

For more updates on our work, follow IPPF Africa Region on FacebookTwitterInstagram and You Tube.

when